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La musique alternative: Entre engagement et commercialisation

Le sens de ľadjectif ‘alternatif' est large, parce qu'il désigne toute chose qui peut -ou veut- se substituer à l'établi et au répandu, du moins les concurrencer, généralement par par une dimension de nouveautés et de différences qui peuvent s'élever jusqu'au 'révolutionnaire'. Quant à réussir ou à s'imposer, cela est une autre paire de manches. En exemple, ce qu'on appelle musique(s) alternative(s).
 

On peut définir la musique alternative comme étant un genre qui s'affranchit de tout ce qui est courant, comme appartenance de style, exécution instrumentale, famille musicale et le convenu comme étant 'réglementé'.

Elle métaphorise une 'révolution', souvent sans tenir compte de la tendance ou du commercial. C'est une musique engagée qui défend une cause humaine ou sociale précise, ou aussi des valeurs. Mais qu'en est-il de la scène alternative aujourd'hui en Tunisie? Comment peut-on manager une musique alternative aujourd’hui dans un monde musical peu enclin à la musique alternative ? Dans un premier temps, nous essayerons de définir ce que c’est que la musique alternative engagée et nous étudierons ensuite, les conditions dans lesquelles elle pourrait s’épanouir en Tunisie.

L’engagement peut se manifester à plusieurs niveaux dans la création artistique et musicale. C'est l'idée qu'on retrouve chez Mohamed Anis Messtaoui, musicien et interprète du groupe Dyslexie, qui trouve que l'engagement peut se faire au niveau des paroles ou de la composition (choix du style ou d’instruments) et même au niveau du sujet que ce soit politique ,social, personnel ou aussi concernant les objectifs du projet ou de l’œuvre musicale.

Mais cela n’empêche que le courant alternatif post révolutionnaire actuel a connu une diversité dans la musique engagée prônant un aspect politique; l'essor du rap en est la preuve, puisque le public attiré par ce genre s’est élargi et a évolué considérablement après la révolution de 2011. 

Les messages deviennent ainsi  plus pertinents d'un point de vue social et des groupes de reggae et d’autres existent citons 'Gultah' de Halim Youssfi et Hayder Hamdi. Des artistes qui chantent pour la paix et l’égalité.

Un artiste engagé, c’est celui qui révèle la réalité, témoigne, dénonce et transmet un message d’espoir. Son rôle est aussi d’amener le spectateur à une prise de conscience et la réflexion.  Mais comment cet artiste engagé peut-il se faire une place, et acquérir une certaine notoriété, alors qu’il doit être en position de contester, justement ce même système ?

Mahmoud Turki, musicien et doctorant en musique et musicologie à l'institut supérieur de musique de Tunis, affirme que pour ces genres musicaux comme pour tout autre, "l'artiste se trouve, aujourd'hui, dans l'obligation de ne pas se limiter à la création musicale, mais d'acquérir, également, les compétences d'un d'entrepreneur", affirme-t-il. Et ďajouter : "Un projet musical n'est plus qu'artistique, ni ne consiste uniquement en une idée à élaborer, à mettre en notes, à lui définir des objectifs, à sculpter jusqu'à ce qu'elle devienne une œuvre dans plénitude. En effet, le musicien doit désormais réfléchir et travailler sur le financement, la communication, le marketing...pour espérer assurer le succès et laa pérennitéité de sa production".


Bien que des plateformes telles que Youtube, Spotify, ou Deezer facilitent la diffusion de l'œuvre apportent une notoriété variable aux artistes tunisiens et leur assurent des revenus, parfois non négligeables, un plan d'action bien précis demeure indisponsable pour que ľœuvre atteigne le public et survive.
Aussi doit elle être déja inscrite dans une stratégie de production artistique, construite en amont.

Par conséquent, la présence d’une équipe de production, de diffusion, de communication est nécessaire, pour que la création artistique soit commercialisée efficacement, s'imposer et se développer.

Être inconscient de l’importance des compétences managériales dans la gestion d’un projet conduirait le musicien, quel que soit son talent à l'échec, car il n’aura pas su promouvoir son talent.

Contrairement aux écoles du cinéma, par exemple, où le réalisateur, le producteur, le régisseur, l'ingénieurs du son ou des lumières, les techniciens...tous formés, chacun dans son domaine respectif, la formation académique des musiciens, dispensée dans les instituts supérieurs et les conservatoires, se limite à l'accroissement des compétences musicales et ne prend pas en considération, ou néglige, ces domaines 'para' ou 'extra-musicaux'.

Bien que des espaces, comme le Centre culturel de Hammamet et Ennejma ezzahra, ou des manifestations, telle les Journées musicales de Carthage, organisent des cycles, des masterclass ou des rencontres, dans ce sens, entre artistes, producteurs, managers et directeurs de festivals internationaux, il n’en demeure pas moins que quantité de produits et de projets musicaux qui demandent à être connus et â être visibles sur une scène culturelle, commencent à sombrer dans la commercialisation. 

Par ailleurs,'absence de statut et de lois concernant la production et l'exploitation de l'œuvre et de l'artiste et celle des lois de finances qui interdisent le ‘'CrowFunding'' comme moyen de financement, sont symptomatiques d’une politique culturelle de l'Etat qui ne soutient pas l'artiste. En témoigne aussi la limitation des montants autorisés pour la possession et l'échange des devises par les artistes. Cela impacte directement la commercialisation de la musique sur internet et empêche le musicien de subvenir ultérieurement à ses besoins de création.

Nombreux sont les artistes engagés qui vivaient dans de grandes difficultés, avant la révolution, dont Halim Yousfi, Tigablackna... Des difficultés et des souffrances que "Fathallah Tv", le documentaire de la jeune réalisatrice Wided Zoghlami, a très bien rendues, à travers un regard aigu, jeté sur la musique contestataire, née dans les quartiers populaires.

De nos jours, dans la société de consommation, la musique alternative cherche encore à se faire une place conséquente. Les artistes engagés  essaient toujours d'être à la page, de suivre les nouveautés des plateformes numériques, à travers lesquelles ils peuvent promouvoir leurs productions et multiplier les rencontres avec le public. Ces mêmes artistes, qui n’ont pas eu de place dans les médias traditionnels, ont pu acquérir une certaine notoriété, grâce à ces plateformes.

En définitive, ans le nouveau monde digital, le musicien, concepteur de projets artistiques alternatifs, est appelé à être polyvalent, mener une étude sur son public cible, trouver le moyen idoine pour assurer la promotion du produit, exploiter les plateformes les plus utilisées et surtout façonner l’image qu'il va renvoyer. Autrement dit, apprendre et accepter ďètre à la fois musicien, producteur et promoteur de son œuvre.

 

Samia Hammi
 

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